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de fleuves qui y portaient sans cesse des eaux empoisonnées. Nous n’avons plus de journal qui dise la vérité, du moins toute la vérité. Je rentre dans l’arène avec toute la franchise et le courage qu’on me connaît.

Nous nous moquions, il y a un an, avec grande raison, de la prétendue liberté des Anglais, qui n’ont pas la liberté indéfinie de la presse ; et cependant quel homme de bonne foi osera comparer aujourd’hui la France à l’Angleterre, pour la liberté de la presse ! Voyez avec quelle hardiesse le Morning Chronicle attaque Pitt et les opérations de la guerre ? Quel est le journaliste, en France, qui osât relever les bévues de nos comités, et des généraux, et des jacobins, et des ministres, et de la Commune, comme l’opposition relève celle du ministère britannique ? Et moi Français, moi Camille Desmoulins, je ne serai pas aussi libre qu’un journaliste anglais ! je m’indigne à cette idée. Qu’on ne dise pas que nous sommes en révolution, et qu’il faut suspendre la liberté de la presse pendant la Révolution. Est-ce que l’Angleterre, est-ce que toute l’Europe n’est pas aussi en état de révolution. Les principes de la liberté de la presse sont-ils moins sacrés à Paris qu’à Londres, où Pitt doit avoir une si grande peur de la lumière ? Je l’ai dit, il y a cinq ans, ce sont les fripons qui craignent les réverbères. Est-ce que, lorsque, d’une part, la servitude et la vénalité