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de parler, pour dire à un si grand nombre de personnes : Vous êtes des insensés ou des contre-révolutionnaires, de me faire ainsi deux ennemis irréconciliables, l’amour-propre piqué, et la perfidie dévoilée, et de les déchaîner contre moi en pure perte, et sans profit pour la République ; car les insensés ne m’auraient pas cru, et je n’aurais pas changé les traîtres ? La vérité a son point de maturité, et elle était encore trop verte. Cependant je suis honteux d’être si long-temps poltron. Le silence de la circonspection peut commander aux autres citoyens, ses devoirs le défendent à un représentant. Soldat rangé en bataille, avec mes collègues, autour de la tribune, pour dire, sans crainte, ce que je crois de plus utile au Peuple français, me taire serait déserter. Aussi bien ce que j’ai fait, ce que j’ai écrit, depuis cinq ans, pour la Révolution ; mon amour inné pour le gouvernement républicain, seule constitution qui convienne à quiconque n’est pas indigne du nom d’homme ; deux frères, les seuls que j’avais, tués en combattant pour la liberté, l’un au siége de Maëstricht, et l’autre dans la Vendée, et ce dernier coupé en morceaux, par la haine que les royalistes

    toujours la même verve ; jamais manche de poignard ne fut mieux sculpté, ciselé avec plus de goût, ni lame mieux affilée et plus artistement damasquinée. Mais c’est toujours un couteau.

    (Marc Dufraisse, la Libre Recherche, 1857).