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son sein, et mettre l’innocent en péril, s’est empressé de leur faire subir la peine du talion. À la vérité, il a condamné pour des paroles et des écrits. Mais, d’abord, peut-on regarder comme de simples paroles le cri de vive le Roi, ce cri provocateur de sédition, et qui, par conséquent, même dans l’ancienne loi de la république romaine, que j’ai citée, eût été puni de mort ? Ensuite, c’est dans la mêlée d’une révolution que ce tribunal a à juger des crimes politiques ; et ceux même qui croient qu’il n’est pas exempt d’erreurs lui doivent cette justice, qu’en matière d’écrits il est plus attaché à l’intention qu’au corps du délit ; et lorsqu’il n’a pas été convaincu que l’intention était contre-révolutionnaire, il n’a jamais manqué de mettre en liberté, non-seulement celui qui avait tenu les propos ou publié les écrits, mais même celui qui avait émigré.

Ceux qui jugent si sévèrement les fondateurs de la République ne se mettent pas à leur place. Voyez entre quels précipices nous marchons. D’un côté est l’exagération en moustaches, à qui il ne tient pas que, par ses mesures ultra-révolutionnaires, nous ne devenions l’horreur et la risée de l’Europe ; d’un autre côté est le modérantisme en deuil, qui voyant les vieux Cordeliers ramer vers le bon sens, et tâcher d’éviter le courant de l’exagération, faisait hier, avec une armée de femmes,