Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/43

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arrêter Camille dans son passage de l'amitié à la haine. Il semble alors que, pour un moment, il retrouve son ancien enthousiasme pour le grand orateur :

« Mirabeau se meurt... Mirabeau est mort ! De quelle immense proie la mort lient de se saisir ! J'éprouve en ce moment le même choc d'idées, de sentiments, qui me fit demeurer sans mouvement et sans voix devant cette tête pleine de systèmes quand j'obtins qu'on me levât le voile qui la couvrait, et que j'y cherchais encore son secret, que le silence de la mort no gardait pas mieux que la vie... Cette tête semblait vivre encore, et avait conservé tout son caractère ; c'était un sommeil, et ce qui me frappa au delà de toute expression, telle on peint la sérénité du sommeil du juste ou du sage. Jamais je n'oublierai cette tète glacée, et la situation déchirante où sa vue me jeta. Mirabeau est mort en odeur de patriotisme. »

Dès le numéro suivant, le ton change, et l'admiration affectueuse fait place à un étonnement douloureux, mêlé de soupçons.

« Lorsqu'on m'eut levé ie drap mortuaire, à la vue d'un homme que j'avais idolâtré, j'avoue que je n'ai pas senti venir une larme, et que je l'ai regardé d'un œil aussi sec que Cicéron regardait le corps de César percé de vingt- trois coups. Je contemplais ce superbe magasin d'idées, démeublé par la mort : je