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de nous qui ne soit parvenu au sommet de la montagne de la vie. Il ne nous reste plus qu’à la descendre à travers mille précipices, inévitables même pour l’homme le plus obscur. Cette descente ne nous offrira aucuns paysages, aucuns sites qui ne se soient offerts mille fois plus délicieux à ce Salomon qui disait, au milieu de ses sept cents femmes, et en foulant tout ce mobilier de bonheur : « J’ai trouvé que les morts sont plus heureux que les vivants, et que le plus heureux est celui qui n’est jamais né. »

Eh quoi ! lorsque tous les jours les douze cent mille soldats du peuple français affrontent les redoutes hérissées des batteries les plus meurtrières, et volent de victoires en victoires, nous, députés à la Convention ; nous, qui ne pouvons jamais tomber, comme le soldat, dans l’obscurité de la nuit, fusillé dans les ténèbres, et sans témoins de sa valeur ; nous, dont la mort soufferte pour la liberté, ne peut être que glorieuse, solennelle, et en présence de la nation entière, de l’Europe et de la postérité, serions-nous plus lâches que nos soldats ? Craindrons-nous de nous exposer, de regarder Bouchotte en face ? n’oserons-nous braver la grande colère du Père Duchesne, pour remporter aussi la victoire que le peuple français attend de nous ; la victoire sur les ultra-révolutionnaires comme sur les contre-révolutionnaires ; la victoire sur tous