Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 119 —

c’est l’alphabet de l’enfance des républiques ; et Bailly lui-même, tout aristocrate qu’il fût, était, sur ce point, plus républicain que nous. On a retenu sa maxime. : « La publicité est la sauvegarde du peuple. » Cette comparaison devrait nous faire honte. Qui ne voit que la liberté d’écrire est la plus grande terreur des fripons, des ambitieux et des despotes, mais qu’elle n’entraîne avec soi aucun inconvénient pour le salut du peuple ? Dire que cette liberté est dangereuse à la République, cela est aussi stupide que si on disait que la beauté peut craindre de se mettre devant une glace. On a tort ou on a raison ; on est juste, vertueux, patriote, en un mot, ou on ne l’est pas. Si on a des torts, il faut les redresser, et pour cela il est nécessaire qu’un journal vous les montre ; mais si vous êtes vertueux, que craignez-vous de numéros contre l’injustice, les vices et la tyrannie ? Ce n’est point là votre miroir.

Avant Bailly, Montesquieu, un président à mortier avait professé le même principe qu’il ne peut y avoir de république sans la liberté de parler et d’écrire. « Dès que les décemvirs, dit-il, dans les lois qu’ils avaient apportées de la Grèce, en eurent glissé une contre la calomnie et les auteurs, leur projet d’anéantir la liberté et de se perpétuer dans le décemvirat, fut à découvert. » [Car jamais ces tyrans n’ont manqué de juger pour faire