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teur qui est la cause de la disette des subsistances[1] ; et il jurerait de le poursuivre jusqu’à la guillotine. Les Athéniens étaient plus indulgents et non moins chansonniers que les Français ; loin d’envoyer à Saint-Pélagie, encore moins à la place de la Révolution, l’auteur qui, d’un bout de la pièce à l’autre, décochait les traits les plus sanglants contre Périclès, Cléon, Lamor…, Alcibiade, contre les comités et présidents des sections, et contre les sections en masse, les sans-culottes applaudissaient à tout rompre, et il n’y avait personne de mort que ceux des spectateurs qui crevaient à force de rire d’eux-mêmes.

Qu’on ne dise pas que cette liberté de la presse et du théâtre coûta la vie à un grand homme, et que Socrate but la ciguë. Il n’y a rien de commun entre les Nuées d’Aristophane et la mort de Socrate, qui arriva vingt-trois ans après la première représentation, et plus de vingt ans après la dernière. Les poëtes et les philosophes étaient depuis longtemps en guerre ; Aristophane mit Socrate sur la scène, comme Socrate l’avait mis dans ses sermons : le théâtre se vengea de l’école.

  1. À une des séances des Cordeliers, Hébert ne vient-il pas de dire que Philippeaux, d’Églantine et moi, nous étions d’intelligence avec la disette, et la cause qu’il ne tenait point de beurre au marché ?
    (Note de Desmoulins.)