Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/184

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Où le fer, dont la dent rend les guérets fertiles,
Sera forgé du fer des lances inutiles.
La justice et la paix s’embrassent devant nous.
Le glaive étincelant d’un royaume jaloux
N’ose plus aujourd’hui s’irriter contre un autre :
Le bonheur des humains nous annonce le nôtre.
Sous un joug étranger nous avons succombé,
Et des mains de Juda notre sceptre est tombé.
Mais notre opprobre même assure notre gloire :
Des promesses du ciel rappelons la mémoire.
Cependant il paraît à ce peuple étonné
Un homme (si ce nom lui peut être donné)
Qui sortant tout à coup d’une retraite obscure,
En maître, et comme Dieu, commande à la nature.
A sa voix sont ouverts des yeux longtemps fermés,
du soleil qui les frappe éblouis et charmés.
D’un mot il fait tomber la barrière invincible,
Qui rendait une oreille aux sons inaccessible ;
Et la langue qui sort de la captivité,
Par de rapides chants bénit sa liberté.
Des malheureux traînaient leurs membres inutiles,
Qu’à son ordre à l’instant ils retrouvent dociles.
Le mourant étendu sur un lit de douleurs
De ses fils désolés court essuyer les pleurs.
La mort même n’est plus certaine de sa proie.
Objet tout à la fois d’épouvante et de joie,
Celui que du tombeau rappelle un cri puissant,
Se relève, et sa sœur pâlit en l’embrassant.
Il ne repousse point les fleuves vers leur source :
Il ne dérange pas les astres dans leur course.