Les temples sont déserts, et le prêtre interdit
renversant l’encensoir de son dieu sans crédit,
abandonne un autel toujours vide d’offrandes.
Delphes jadis si prompt à répondre aux demandes,
D’un silence honteux subit les tristes lois.
Enfin, comme Apollon, tous les dieux sont sans voix.
Aux tombeaux des martyrs, fertiles en miracles,
Les peuples et les rois cherchent de vrais oracles.
On implore un mortel qu’on avait massacré,
Et l’on brise le dieu qu’on avait adoré.
A ce torrent vainqueur Rome longtemps s’oppose,
Et de son Jupiter veut défendre la cause.
Mais contre elle il est temps de venger les chrétiens.
Du sang de tes enfants, grand Dieu, tu te souviens.
Tant de cris qu’éleva sa fureur idolâtre,
Ont assez retenti dans son amphithéâtre.
Tu vas lui demander compte de ses arrêts.
Ô Dieu des conquérants, tes vengeurs sont tous prêts,
Et Rome va tomber d’une chute éternelle,
Ainsi que Babylone et ta ville infidèle.
Oui, c’est ce même Dieu qui sait à ses desseins
Ramener tous les pas des aveugles humains.
Sous d’orgueilleux vainqueurs quand les villes succombent,
Quand l’affreux contrecoup des empires qui tombent
Dans le monde ébranlé jette au loin la terreur ;
Que sont tous ces héros qu’admire notre erreur ?
Les ministres d’un Dieu qui punit des coupables,
Instruments de colère, et verges méprisables.
Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/194
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