Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/218

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Et pauvre sans regret, ou riche sans attache,
L’avarice jamais au sommeil ne m’arrache.
Je ne vais point, des grands esclaves fastueux,
Les fatiguer de moi, ni me fatiguer d’eux.
Faux honneurs ! Vains travaux ! Vrais enfants que vous êtes,
Que de vide, ô mortels, dans tout ce que vous faites !
Dégoûté justement de tout ce que je vois,
Je me hâte de vivre, et de vivre avec moi.
Je demande, et saisis avec un cœur avide,
Ces moments que m’éclaire un soleil si rapide,
Dons à peine obtenus qu’ils nous sont emportés,
Moments que nous perdons, et qui nous sont comptés.
L’estime des mortels flatte peu mon envie.
J’évite leurs regards, et leur cache ma vie.
Que mes jours pleins de calme et de sérénité,
Coulent dans le silence et dans l’obscurité :
Ce jour même des miens est le dernier peut-être :
Trop connu de la terre, on meurt sans se connaître.
Je l’attends cette mort sans crainte ni désir :
Je ne puis l’avancer, je ne puis la choisir.
L’exemple des Catons est trop facile à suivre.
Lâche qui veut mourir : courageux qui peut vivre.
Voilà donc cette loi si pleine de douceurs,
Cette route où j’ai cru marcher parmi les fleurs.
Quoi ! Je trouve partout la morale cruelle.
Catulle m’y ramène, Horace m’y rappelle.
Tibulle m’en réveille un triste souvenir,
Lorsque de sa Delie il croit m’entretenir.
La règle de mes mœurs, cette loi si rigide,
Est écrite partout, et même dans Ovide.