Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/219

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Oui, c’est dans ces écrits dont j’étais amoureux,
Que la raison m’impose un joug si rigoureux.
Que m’ordonne de plus, à quel joug plus pénible
Me condamne le Dieu qu’on m’a peint si terrible ?
Mon choix n’est plus douteux, je ne balance pas.
Eh quoi ! De la vertu respectant les appas,
L’amour de mon bonheur me pressait de la suivre.
Doux, chaste, bienfaisant, pour moi seul j’allais vivre.
Ô grand Dieu, sans changer, j’obéis à ta loi.
Doux, chaste, bienfaisant, je vais vivre pour toi.
Loin d’y perdre, Seigneur, j’y gagne l’assurance
De tant de biens promis à mon obéissance.
Que dis-je ? La vertu qui m’avait enchanté,
Sans toi que m’eût servi de chérir sa beauté ?
De ses attraits, hélas ! Admirateur stérile,
J’aurais poussé vers elle un soupir inutile.
Qu’était l’homme en effet qu’erreur, illusion,
Avant le jour heureux de la religion ?
Les sages dans leurs mœurs démentaient leurs maximes,
Quand Lycurgue s’oppose au torrent de nos crimes,
Législateur impur il en grossit le cours.
Ovide est quelquefois un Sénèque en discours :
Sénèque dans ses mœurs est souvent un Ovide.
A l’amour qui ne prend que sa fureur pour guide,
Des mains de Solon même un temple fut construit.
De tes lois, ô Solon, quel sera donc le fruit ?
Et quel voluptueux rougira de ses vices
Quand ses réformateurs deviennent ses complices ?
Toute lumière alors n’était qu’obscurité,
Et souvent la vertu n’était que vanité.