Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Que de peuples hélas, que de vastes contrées
A leur aveuglement sont encore livrées,
Assises loin du jour dans l'ombre de la mort !
Nous plus heureux, craignons leur déplorable sort :
Le précieux flambeau qui s'allume par Grace,
Aux ingrats enlevé, souvent change de place.
Par le sang des martyrs autrefois humecté
L'orient, du mensonge est par-tout infecté.
Cette isle, de chrétiens féconde pépiniere,
L'Angleterre, où jadis brilla tant de lumiere,
Recevant aujourd'hui toutes religions,
N'est plus qu'un triste amas de folles visions.
Hélas ! Tous nos voisins plongés dans la disGrace
Semblent nous préparer au coup qui nous menace.
Par-tout autour de moi quand je tourne les yeux,
Je pâlis, et n'y vois que le couroux des cieux.
Dans les glaces du Nord l'hérésie allumée
Y répand en fureur son épaisse fumée.
Là domine Luther ; ici régne Calvin :
Et souvent où la foi répand son jour divin,
La superstition, fille de l'ignorance,
Prend de la piété la trompeuse apparence.
Oui, nous sommes, seigneur, tes peuples les plus chers :
Tu fais luire sur nous tes rayons les plus clairs.
Vérité toujours pure, ô doctrine éternelle,
La France est aujourd'hui ton royaume fidelle.
Ah ! Nos crimes enfin à leur comble montés,
Du ciel lent à punir lasseront les bontés.
Puisse-t'il être faux ce funeste présage !
Mais hélas, de nos mœurs l'affreux libertinage