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LETTRES DE SAINT BERNARD.

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LETTRE CLXXII,

(Ecrite l’an 1139.)

AU MÊME, AU NOM DE CODEFROID.

ÉVÊQUE DE LANGRES.

Sur le même sujet que la précédente. An milieu des maux nombreux qui semblent en ces jours-ci fondre sur les églises à l’occasion des élections, le Seigneur du liant du ciel a jeté un regard sur notre mère l’église de Lyon, puisqu’à la mort de l’archevêque Pierre de pieuse mémoire, il lui a donné pour successeur, sans que la paix fût aucunement troublée, le doyen Falcon, homme du plus grand mérite. Je vous demande, seigneur, que celui qui a été élu par les siens d’un consentement unanime, qui a été validement promu et régulièrement consacré, obtienne de vous la plénitude de sa dignité et de son pouvoir. Ce qui me fait prendra celte liberté, ce n’est point la conscience de mon mérite, mais celle de mon devoir. Je dis de mon devoir, non-seulement parce que cette église l’exige de moi en vertu de son autorité métropolitaine, mais encore parce que j’ai été placé ta mon poste pour rendre témoignage à la vérité.

LETTRE CLXX1II.

(Ecrite l’an 1139.)

A FALCON LUI-MÊME.

11 lu : recommande la cause de quelques religieux. Le seigneur évèque et moi avons écrit pour vous au seigneur Pape, comme nous avons cru devoir le faire, et vous avez la copie de nos lettres. Nous avons l’intention de toujours vous soutenir de toutes nos forces, à cause du bien que nous attendons fermement de vous. Mais c’est à vous de faire que nous ne soyons pas trompés dans notre confiance. Au reste, si j’ai trouvé grâce à vos yeux, veillez sur ces indigents et sur ces pauvres qui sont à Bénissons-Dieu ’. Car ce que vous ferez à un seul d’entre eux, vous le ferez à moi-même, ou plutôt au Christ. Ils sontpauvres, et ils habitent au milieu ’ Bénissons-Dieu, maison de l’ordre de Citeaux, fille de Clairvaux, située dans le diocèse de Lyon, fut fondée en 1138. Albéric en fut le premier abbé. Non loin de cette maison, dans le même diocèse, était le monastère de Savigny, de l’ordre de Saint-Benoit ; il avait pour abbé Itérius, dont saint Bernard se plaint ailleurs.

des pauvres. Nous vous prions surtout d’empêcher les moines de Savigny de les persécuter ; ceux-ci en effet les accusent injustement, à ce que nous croyons ; ou s’ils croient avoir raison, décidez entre eux. Que notre fils, l’abbé Albéric, bien que ses mérites soient une recommandation meilleure que nos prières, devienne cependant par elles plus recommandable encore à vos yeux, nous vous en supplions. J’ai pour lui la tendresse qu’une mère a pour son fils unique, et celui qui m’aime l’aimera. Enfin j’éprouverai en lui si vous faites cas de moi. Car plus il est éloigné de moi, plus vos paternelles consolations lui sont nécessaires.

Lettre CLXXIV
(Écrite l’an 1140).
AUX CHANOINES DE LYON, SUR LA CONCEPTION DE SAINTE MARIE.

Que la fête de la Conception est nouvelle, et ne s’appuie sur aucun fondement légitime ; que d’ailleurs elle n’aurait pas dû être instituée sans qu’on eût consulté le Siége apostolique, auquel saint Bernard soumet son avis.

1. Il est certain que, parmi les églises de France, celle de Lyon a occupé jusqu’ici le premier rang, et par la dignité de son siége, et par la pureté de ses sentiments, et par le mérite de ses institutions. Où ont jamais brillé autant que chez elle, la sévérité de la discipline, la gravité des mœurs, la prudence des conseils, le poids de l’autorité, le respect de l’antiquité ? C’est surtout dans les solennités ecclésiastiques, qu’on n’a jamais vu cette église pleine de jugement accéder aisément à des nouveautés soudainement introduites, ni se laisser déshonorer par une légèreté puérile. C’est pourquoi nous sommes fort surpris qu’en ce temps-ci, quelques-uns d’entre vous aient jugé à propos de vouloir ternir votre brillant éclat, en introduisant une fête nouvelle que la liturgie de l’Église ne connait pas, que la raison n’approuve pas, que l’ancienne tradition ne recommande pas. Sommes-nous plus savants que nos pères, ou plus religieux qu’eux ? Il y a danger pour nous à aborder ce qu’en ces matières, leur prudence a laissé de côté. Car ce point est de telle nature, que, s’il n’avait pas dû être écarté, il n’eût pu échapper à leur attention.

2. Mais il faut, direz-vous, grandement honorer la Mère du Seigneur. Votre avis est sage, mais la gloire de cette Reine est amie de la justice. La Vierge royale, comblée de titres