Page:Oeuvres de Saint Bernard, Tome 1, 1870.djvu/470

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d’honneur véritables et revêtue d’éclatantes dignités, n’a pas besoin d’une fausse gloire. Honorez la pureté de son corps, la sainteté de sa vie ; admirez sa virginité féconde, vénérez sa maternité divine. Exaltez-la pour n’avoir pas connu la concupiscence dans la corruption, ni la douleur dans l’enfantement. Publiez qu’elle a droit au respect des anges, qu’elle a été désirée des nations, pressentie par les patriarches et par les prophètes, choisie entre tous, préférée à tous. Glorifiez-la comme source de la grâce, comme médiatrice du salut, comme réparatrice des siècles. Exaltez enfin celle qui a été exaltée au-dessus des chœurs des anges dans les royaumes célestes. Voilà ce que chante l’Église en son honneur, et ce qu’elle m’enseigne à chanter. Pour moi, je conserve avec assurance et je transmets ce que j’ai reçu de cette source ; mais ce que je n’en ai pas reçu, j’aurais, je l’avoue, plus de scrupules à l’admettre.

3. J’ai donc appris de l’Église qu’il faut célébrer, avec la plus grande vénération, le jour où la Vierge, retirée de ce siècle méchant, a porté dans les cieux les joies d’une fête solennelle. J’ai encore appris dans l’Église et de l’Église à reconnaître sans hésiter comme solennelle et sainte la naissance de la Vierge, et je crois très-fermement avec l’Église qu’elle a reçu dans le sein de sa mère, la grâce de naître sainte. Je lis, en effet, de Jérémie qu’il a été sanctifié avant de naître ; j’ai la même pensée sur Jean-Baptiste qui, du sein de sa mère, a senti le Seigneur dans le sein de la sienne[1]. Voyez vous-même, s’il est permis d’en penser autant du saint David, en raison de ce qu’il disait à Dieu : Je me suis appuyé sur vous avant ma naissance et vous êtes mon protecteur dès le sein de ma mère[2] ; et encore : Vous êtes mon Dieu dès le sein de ma mère, ne vous éloignez pas de moi[3]. Et de même il a été dit à Jérémie : Avant que je ne te formasse dans le sein de ta mère, je t’ai connu ; et je t’ai sanctifié avant que tu n’en sortisses[4]. Que l’oracle divin distingue bien la formation dans le sein maternel de l’enfantement ! Il montre ainsi que la formation a été seulement prévue, mais que l’enfantement a été orné du don de la sainteté, afin qu’on ne s’imaginât pas qu’il fallût borner les priviléges du prophète à la seule prédestination ou à la prescience.

4. Accordons cependant qu’il en soit ainsi pour Jérémie. Que répondra-t-on pour Jean-Baptiste, dont un ange annonça par avance que le Saint-Esprit le remplirait, quand il serait encore dans le sein de sa mère ? Je ne pense pas qu’on puisse rapporter cette parole à la prédestination ni à la prescience. Car les paroles de l’ange furent sans doute accomplies au moment même qu’il avait prédit, et il n’est pas permis de croire que celui qui avait été annoncé comme devant être rempli du Saint-Esprit, ne l’ait pas été au temps et au lieu fixés par la prophétie. Or, le Saint-Esprit a très-certainement sanctifié celui qu’il a rempli. Du reste, je n’aurais pas la témérité d’indiquer jusqu’à quel point cette sanctification a pu prévaloir contre le péché originel, soit dans le Précurseur, soit dans le Prophète, soit dans quelqu’autre, s’il y en a d’autres qui aient été prévenus par la même grâce. Cependant je n’hésiterais pas à dire que ceux que Dieu a sanctifiés sont sanctifiés, et qu’ils sont sortis du sein maternel avec la sainteté qu’ils y ont reçue ; le péché qu’ils ont tiré de leur conception, n’a pu en aucune façon, empêcher ni ravir à l’avance la bénédiction qui était attachée à leur naissance. Qui pourrait dire, en effet, que celui qui a été rempli du Saint-Esprit est demeuré néanmoins un enfant de colère et que, s’il lui était arrivé de mourir dans le sein maternel avec une telle plénitude de grâce, il eût encouru les peines de la damnation. Cela serait dur. Cependant je n’ose là-dessus rien décider d’après mon sentiment. Mais, quoiqu’il en soit, l’Église qui juge et proclame précieuse la mort, et non pas la naissance des autres saints, par une exception unique, célèbre avec raison par de joyeuses fêtes et vénère la naissance de celui-là seul dont l’ange ait annoncé, comme on le lit dans l’Écriture, que beaucoup se réjouiraient à sa naissance[5]. Pourquoi, en effet, la naissance de celui qui a pu bondir dès le sein de sa mère, ne serait-elle pas sainte et fêtée avec allégresse ?

5. Il n’est certes pas permis de douter que ce qui a été accordé, même à un petit nombre de mortels, ait été refusé à une si grande Vierge, par qui toute chair mortelle s’est élevée à la vie. La Mère du Seigneur, elle aussi, a été sainte sans nul doute avant que de naître, et la sainte Église ne se trompe pas quand elle considère comme saint le jour de sa Nativité, et qu’elle en accueille chaque année le retour avec une fête solennelle et une allégresse universelle. Pour moi, je pense qu’une mesure même plus abondante de sanctification est descendue sur elle, et a, non-seulement sanctifié

  1. Luc, i, 41.
  2. Ps. lxx, 6.
  3. Ps. xxi, 11.
  4. Jérém., i, 5.
  5. Luc, 14.