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CHANT TROISIÈME.

ii.

Pendant la paix l’amour rend harmonieux le chalumeau du berger ; pendant la guerre, il monte sur le coursier du vainqueur ; dans les salons, il attire les yeux par sa parure ; dans les hameaux, il danse sur le gazon : l’amour règne à la cour, dans les camps et dans les bois ; il gouverne les mortels sur la terre et les saints dans le ciel, car l’amour, c’est le ciel, et le ciel, c’est l’amour.

iii.

Telle était, je crois, la pensée de lord Cranstoun, tandis que, réfléchissant au tendre entretien qu’il venait d’avoir avec la belle de ses pensées, il traversait le vert taillis de Branksome. Tout à coup son page pousse un cri perçant, et à peine le baron avait-il eu le temps d’assurer son casque sur sa tête, qu’il vit un chevalier de haute taille qui descendait la montagne. Son coursier gris-pommelé était couvert de sueur ; son armure était souillée d’anciennes taches de sang ; il semblait lui-même aussi fatigué que s’il eût marché toute la nuit ; en effet c’était William Deloraine.

iv.

Mais ce chevalier oublia sa fatigue dès que les rayons du soleil firent briller à ses yeux la cigogne qui surmontait le casque du baron ; il mit la lance en arrêt. Quelques courtes menaces exprimèrent la haine des deux champions ; d’orgueilleuses provocations donnèrent bientôt le signal d’un cruel combat. Les coursiers mêmes semblaient savoir que leurs maîtres étaient ennemis mortels, et le feu sortait de leurs naseaux, quand les deux chevaliers tournèrent bride pour prendre du champ.

v.

Le baron poussa un soupir et récita une prière : la prière était pour son saint patron, le soupir pour sa dame. Son ennemi ne pria ni ne soupira, il n’appela à son aide ni saint ni dame ; mais, courbant la tête et tenant sa lance en arrêt, il pressa les flancs de son coursier ; la rencontre