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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

de ces deux fiers champions fut comme le choc de deux nuages qui recèlent la foudre.

vi.

Deloraine porta un coup terrible qui fit plier le baron sur la croupe de son cheval, et qui ébranla toutes les plumes de son panache. La lance du chevalier, cette lance si sûre et si fidèle, quoique du frêne le plus dur, se brisa en mille pièces ; mais celle de Cranstoun, plus heureuse, perça le bouclier de son adversaire, comme si c’eût été un tissu de soie, traversa sa cotte de mailles et tous ses vêtemens, et ne se rompit enfin qu’en faisant une profonde blessure. Toutefois le guerrier se maintenait sur ses arçons ; mais son coursier, renversé par la violence du choc, l’entraîna dans sa chute, et le cheval et le cavalier restèrent étendus sur la poussière. Le baron continuait sa route ; dans le trouble de ses idées, à peine savait-il qu’il laissait son ennemi grièvement blessé.

vii.

Mais bientôt il se retourne, et voit son adversaire insensible comme la terre sanglante sur laquelle il est étendu ; sir Henry ordonne à son page d’étancher sa blessure, de la bander soigneusement, et de reconduire Deloraine jusqu’à la porte du château de Branksome. Son noble cœur s’émeut de compassion pour le parent de celle qu’il aime : — Accomplis mes ordres sans délai, dit-il ; je ne puis moi-même m’arrêter, obligé de me dérober au trépas par une prompte fuite.

viii.

Lord Cranstoun partit à toute bride, et son nain obéit. Il ne trouvait pas un grand plaisir à faire le bien ; mais jamais il ne résistait aux ordres de son maître. En dépouillant le blessé de son armure, il découvrit le livre merveilleux. Surpris qu’un si fier chevalier marchât chargé de l’équipage d’un chapelain, il oublia la blessure du vaincu pour porter sur ce livre une main indiscrète.