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CHANT QUATRIÈME.

favori de ces lauriers acquis au prix de leur sang ? N’était-il pas surprenant que les vers de ce vieillard eussent le pouvoir de les évoquer de la nuit des tombeaux ?

Le ménestrel sourit de plaisir, car jamais la flatterie n’est perdue pour l’oreille du poète. Race pleine de simplicité ! pour récompense de tous leurs travaux, ils ne demandent que le vain tribut d’un sourire ; c’est un souffle puissant qui ranime leur ardeur quand l’âge vient l’éteindre. Leur imagination se réveille à la voix de la louange, et s’efforce d’entretenir sa flamme mourante.

Le vieillard sourit donc d’un air satisfait, et continua ses chants en ces termes.

CHANT CINQUIÈME.

i.

— Non, ils ne se trompent pas ceux qui disent que quand le poète cesse d’exister, la nature muette porte le deuil de son interprète et célèbre ses funérailles ; le rocher qui perce la nue, la caverne solitaire, gémissent sur l’absence du barde ; les montagnes pleurent en ruisseaux de cristal ; les fleurs répandent les larmes d’une rosée embaumée, les vents soupirent à travers les bosquets qu’il a chéris ; les chênes y répondent par de sourds gémissements, et les fleuves apprennent à leurs ondes à murmurer un chant funèbre autour de sa tombe.

ii.

Ce n’est pas que ces êtres inanimés puissent réellement gémir sur l’urne d’un mortel ; mais les ondes, les bois, les vents, ont une voix qui s’unit aux regrets plaintifs de ceux qui n’échappaient à l’oubli que par les chants fidèles du poète, et dont la mémoire va s’évanouir une seconde fois avec son dernier soupir. L’ombre pâle de la jeune fille qui déplore l’oubli où va être enseveli l’amour, le vé-