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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

guerite, ne pourraient racheter un seul de ses jours.

xii.

Cependant il ne courait guère de risque. Vous pouvez vous rappeler le charme du malicieux page ; il l’avait communiqué à son maître, qui, par la vertu de ce secret magique, paraissait un chevalier de l’Ermitage. Il passa pour tel aux yeux des gardes et des sentinelles, et personne ne songea à l’arrêter. Mais quel charme magique aurait été assez puissant pour le déguiser aux yeux de Marguerite ? Elle se lève brusquement, tressaille de crainte et de surprise, et ces deux sentimens peuvent à peine maîtriser l’amour. Lord Henry est à ses pieds.

xiii.

Je me suis demandé bien des fois quel motif ce lutin malicieux pouvait avoir eu pour faciliter cette entrevue. L’amour heureux est un spectacle céleste, et un esprit de ténèbres n’y peut trouver aucun plaisir. Peut-être s’était-il imaginé que de cette passion devaient naître la honte et les regrets ; qu’elle causerait la mort du vaillant Cranstoun, le déshonneur et la perte de l’aimable Marguerite ; mais il ne lui était pas donné de connaître des cœurs si sincères. Le véritable amour est une vertu que Dieu n’a accordée dans ce monde qu’à l’homme seul. Ce n’est pas le feu brûlant du caprice qui ne brille que pour s’éteindre ; il ne doit pas sa naissance au désir, et ne meurt pas avec lui. C’est cette sympathie secrète, nœud de soie et d’or, qui unit le cœur au cœur et l’esprit à l’esprit. Mais laissons Marguerite avec son chevalier, et parlons du combat qui va se livrer.

xiv.

Les cors ont déjà donné le premier signal ; chaque clan est éveillé par le son des cornemuses. Tous les guerriers s’empressent de courir pour être témoins du combat ; ils entourent le champ clos, appuyés sur leurs lances, telles que les pins dépouillés de feuilles dans la forêt d’Ettrick. Tous ont les yeux fixés sur le château de Branksome