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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

l’aide d’une illusion magique ; et comment le nain ayant dérobé l’armure du chevalier, tandis que celui-ci dormait, il avait paru dans la lice sous son nom. Mais il ne lui fit que la moitié du récit, et passa sur son entrevue avec Marguerite. La dame ne voulut pas faire paraître au grand jour les secrets de son art mystérieux, mais elle se promit de punir avant minuit l’audace de ce page étrange, de retirer le livre de ses mains impures, et de le rendre à la tombe de Michel.

Je ne parlerai pas des discours pleins de tendresse de Marguerite et de son amant. Elle lui conta combien son sein avait été agité, et quelles craintes elle avait éprouvées pendant qu’il se mesurait contre Musgrave. Je ne vous peindrai pas leur bonheur ; un jour, belles demoiselles, vous le goûterez à votre tour.

xxviii.

William Deloraine, en s’éveillant d’un sommeil léthargique, avait appris par hasard qu’un autre chevalier couvert de ses armes et portant son bouclier, combattait en champ clos, sous son nom ; contre le fier Musgrave. Il y courut aussitôt sans être armé, et sa présence répandit la terreur et la consternation, car on le prit pour son propre spectre[1], et non pour un homme vivant. Ce nouvel allié n’était guère de ses amis ; mais quand il vit l’heureux résultat de cet événement, il le félicita de bon cœur et ne voulut pas réveiller une ancienne querelle ; car, quoique grossier et peu courtois, son cœur ne nourrissait pas une haine implacable ; et dans ses incursions il ne répandait le sang que lorsqu’il éprouvait de la résistance, ou, comme cela était juste, quand il s’agissait d’une guerre à mort. Jamais il ne conservait de ressentiment d’une blessure qu’un vaillant ennemi lui avait faite honorablement, Tel

  1. Une des superstitions écossaises les plus bizarres, est de croire que le spectre (the wraith) d’un homme vivant peut apparaître ; ce qui annonce toujours quelque malheur. — Ed.