parut en effet William Deloraine, en jetant les yeux sur le corps de Musgrave. Son front trahit ses regrets mal déguisés par son air soucieux et sévère ; il baissa la tête avec douleur, et célébra ainsi la gloire du vaincu :
— Te voilà donc sans vie, Richard Musgrave, mon mortel ennemi, devrais-je dire ! car si le frère que tu chérissais a péri sous mes coups, tu m’avais privé du fils d’une sœur, et quand je fus plongé, pendant trois grands mois, dans un noir cachot du château de Naworth, jusqu’à ce que j’eusse payé une rançon de mille marcs d’argent, c’est à toi que j’en étais redevable. Si nous pouvions combattre aujourd’hui, si tu étais vivant comme moi, nul mortel ne pourrait nous séparer avant qu’un de nous ne restât sur l’arène. Et cependant la paix soit avec toi, car je sais que je ne trouverai jamais un plus noble ennemi. Dans tous nos comtés du nord, où le mot de ralliement est la bride, l’éperon et la lance, personne ne savait mieux que toi poursuivre son butin. C’était un plaisir, en se retournant, de te voir donner la chasse à ton ennemi, exciter les limiers féroces, et animer par les sons de ton cor les vassaux qui te suivaient (5). Je donnerais les terres de Deloraine, fier Musgrave, pour que tu vécusses encore !
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Il ne cessa de parler que lorsque la troupe de lord Dacre se prépara à rentrer dans le Cumberland. On releva le corps du brave Musgrave, on l’étendit sur son bouclier, qu’on plaça sur des lances, et quatre hommes, que d’autres relevaient à tour de rôle, se chargèrent de ce noble fardeau. Les vents portaient au loin les chants plaintifs des ménestrels. Quatre prêtres, en longues robes noires, suivaient le corps et récitaient des prières pour le repos de son âme. Les cavaliers s’avançant à pas lents, et les porte-lances les suivant à pied, formaient le reste du cortège. Ce fut ainsi qu’on transporta les restes du vaillant chevalier à travers le Liddesdale, jusqu’aux rives du Leven ; il