Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/252

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246 MARMION.

Il me semble même que c’était hier que je commençai ce poëme qui a quelquefois occupé mes loisirs, et que j’ai si souvent négligé quand des soins plus graves venaient m’interrompre. Il me semble que c’est ce même vent de novembre, dont la voix triste inspira mon premier chant, qui soulève encore les feuilles desséchées sur le rivage de l’Yarrow, agite les bouleaux dépouillés de leur verdure, et soupire comme alors entre leurs branches flétries ; les hauteurs de Black-House et la forêt d’Ettriek sont couronnées des vapeurs de l’hiver ; l’orage qui gronde sur la montagne, et l’inondation de la prairie, nous avertissent de fuir des rives de la Tweed les flocons de neige voltigent déjà sur l’aile de l’ouragan. Le berger nous avait paru digne d’envie dans la saison de l’été, alors que nous retracions les paysages de la colline et du vallon, toi avec le pinceau et moi avec la plume. Etendu tout le long du jour au milieu de la bruyère, il suivait d’un œil distrait le vol des nuages, ou s’endormait sur son havresac déchiré. Quelquefois aussi sa main oisive guidait un hameçon dans l’onde rare du ruisseau….. Mais la neige qui va tomber pendant la nuit dans la plaine prépare des travaux plus pénibles au berger.

Le soleil s’est couché au milieu d’une vapeur épaisse et rougeâtre, et le laboureur, à peine endormi, entend dans sa chaumière l’orage qui commence à pousser la grêle et la pluie contre les carreaux de sa fenêtre. Le même vent qui force le daim et le renard à se réfugier dans les taillis et sous l’abri des cavernes, appelle le berger à une tâche dangereuse. Il tourne souvent les yeux vers le ciel, et espère en vain que la tempête s’épuisera en pluie bienfaisante. Bientôt l’horizon nébuleux et la terre déjà blanchie par la neige le forcent de se mettre en marche : ses chiens gémissans, et l’œil baissé, quittent à regret le foyer domestique ; le berger siffle et les encourage en repliant sou manteau autour de son corps ; il rassemble son troupeau, et le conduit dans les plaines découvertes et sur la pente des montagnes. Là, quoique la tempête soit plus violente, cependant la neige encombre moins les sentiers. Le vent qui souffle sur les rocimirs convertit les boucles de ses cheveux en glaçons ; il tourne souvent : la tête et aperçoit la clarté de sa lampe qui brille .omrae une étoile à travers la croisée de sa cabane ; quand il l’a

CHANT QUATRIÈME. 247