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294 MARMION.

sentinelle vigilante, avec son cor suspendu à son épaule, et son couteau de chasse attaché à sa ceinture. A ses pieds sont couchés ses limiers fidèles. Si ce n’était son œil sombre, dont aucun homme ne peut soutenir le regard amer, on le prendrait pour un chasseur qui a plus d’une fois sonné du cor et lancé sa meute sur le gibier. Dans le même donjon est un vieux prêtre magicien qui fait tous ses efforts pour chasser le fantôme ennemi et s’emparer de ses richesses. Il s’est écoulé cent ans depuis qu’a commencé cette lutte, et ils en sont encore l’un et l’autre au même point. Souvent les paroles mystérieuses du nécromancien font tressaillir et hurler le démon obstiné, souvent elles ont brisé les barres de fer et les cadenas qui défendent le précieux dépôt ; mais à peine ouvert, le coffre magique se referme aussitôt sur lui-même : cette lutte doit durer jusqu’au jour du jugement, à moins que le magicien ne parvienne à prononcer le mot qui produisit le charme quand le comte de Franchemont ferma la cassette enchantée : déjà cent ans se sont écoulés, et à peine a-t-il pu dire trois lettres.

Ces superstitions si universellement répandues doivent faire excuser tout ce que dit le vieux Piscottie : c’est à l’un de ses contes que je dois l’idée de ce messager céleste qui vient dans l’église de Lithgow avertir le roi d’Ecosse ; c’est lui qui rapporte aussi la citation de l’enfer. Pardonne-moi le conte du moine de Durham et son fantôme armé de pied en cap. Daigne excuser aussi le gave Fordun, qui raconte l’histoire de la caverne de Gifford.

Mais pourquoi te citer tous ces auteurs, à toi qui dans un instant peux consulter tant de trésors de science amassés par tes soins, à toi qui pourrais en citer cent fois davantage ? Tes richesses ne sont pas comme celles de ces gens, non moins avares de leurs livres que Franchemont de ses trésors, et qui, dans l’espace de cent ans, n’auraient pas même prononcé trois lettres : ils trouvent dans leurs ouvrages le même plaisir que la pie dans la perle qu’elle a cachée ; tes livres, ouverts comme ton cœur, offrent à tous et les secrets et les plaisirs de la science. Cependant, de tous ceux qui en font usage, qui pourrait en jouir comme toi ? Mais silence ! j’entends le son lointain du tambour ; le jour de la bataille de Flodden est arrivé. Adieu, cher Heber, longue vie, bonne sauté, et abondante moisson littéraire.

CHANT SIXIÈME. 295

I.