TROISIÈME PARTIE.
Thomas le Rimeur fut célèbre parmi ses contemporains comme auteur du fameux roman de sir Tristrem. Il n’existe qu’une copie connue de ce poème jadis si généralement admiré ; on la trouve dans la bibliothèque des avocats d’Édimbourg.
L’auteur publia en 1804 une édition de cet ouvrage curieux : si elle ne ressuscite pas la grande réputation du barde d’Erceldonne, elle donne du moins un modèle de la poésie écossaise la plus ancienne qu’on ait jamais publiée. Elle nous avait déjà fait connaître quelque chose de ce roman poétique dans son Choix d’anciennes poésies, vol. i, pag. 165 ; ouvrage auquel nos prédécesseurs et la postérité sont également redevables, ceux-là parce qu’il est un monument de leur littérature, ceux-ci parce qu’ils y trouvent une histoire de la langue anglaise qui sera intéressante aussi long-temps que le génie et la science qui l’ont illustrée.
Il doit suffire ici de dire que le roman de sir Tristrem était tellement renommé, que peu de personnes étaient jugées capables de le réciter comme l’auteur lui-même.
Il paraît, d’après un manuscrit curieux du treizième siècle, qui contient un roman en vers de sir Tristrem, que l’ouvrage de notre Thomas le Rimeur était connu et cité par les ménestrels de la Normandie et de la Bretagne : arrivé à un passage du Roman où les rhapsodes de ces temps féodaux différaient dans leurs versions, le barde français cite expressément l’autorité du poète d’Erceldonne :
Plusurs de nos granter ne volent
Co que del naim dire se solent,
Ki femme Kaberdin dut aimer,
Li naim redut Tristram narrer,
E entusché par grant engin,
Quant il afole Kaherdin ;
Pur cest plaie e pur cest mal,
Enveiad, Tristran Guvernal,
En Engleterre pur Ysolt
Thomas ico granter ne volt,
Et si volt pur raisun mostrer,
Qu’ico ne put pas esteer, etc., etc., etc.