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Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/217

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xxvi.

L’enchanteur jette un regard d’horreur sur la lice ensanglantée par le carnage, et, levant la main avec un air sévère, il s’écrie :

— Insensés ! suspendez votre combat ; et toi, beauté cause de tous ces malheurs, écoute l’arrêt du destin :

— Le sommeil fermera long-temps tes ÿeux, qui ont refusé leurs larmes à la pitié ; une léthargie profonde pèsera sur ton cœur, qui a dédaigné d’être ému : cependant, puisque les leçons de ta mère ont surpris ce cœur sans expérience, et en faveur de la race d’Arthur, la grâce sera mêlée au châtiment : tu subiras ton arrêt dans le vallon de Saint-Jean ; c’est lâ que tu dormiras jusqu’à ce que tu sois réveillée par un chevalier dont les exploits égalent ceux de la table ronde. La durée de ton sommeil apprendra à l’univers tous les maux que lui a causés l’orgueil de Gyneth, le jour dans lequel ont péri les compagnons d’Arthur.

xxvii.

Pendant que Merlin parle, le sommeil commence déjà à s’appesantir sur les yeux de Gyneth : la crainte et la colère cherchent en vain à y entretenir la clarté qui les anime ; deux fois elle passe péniblement sa main sur son front, deux fois elle essaie de s’élancer du siège fatal où elle est assise. Merlin a prononcé la sentence magique : la mort de Vanoc doit être vengée ; le rideau des longues paupières de Gyneth s’abaisse lentement sur ses prunelles d’azur, comme on voit, un soir d’été, les violettes fermer leurs corolles odorantes. Le sceptre pesant fait fléchir sa main ; sa tête se penche sur ses épaules ; les réseaux de soie, d’or et de perles qui enchaînaient ses cheveux, en laissent échapper les bondes d’ébène sur ses bras et son sein de neige.

Immobile sur son siège d’ivoire, Gyneth était si belle que son père côurroucé supplia le sévère Merlin d’adoucir son arrêt, et les chevaliers auraient volontiers pour