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Page:Oeuvres de madame Olympe de Gouges.pdf/484

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ranger. Un mari, en pareille circonſtance, doit avoir la prudence de faire beaucoup de bruit en arrivant chez ſa femme, ſur-tout après ſix mois d’abſence. (Il ſe promène ſur la Scène.) Cependant j’éprouve des mouvemens de ſenſibilité qui me rappellent cet amour pur & légitime, dont mon cœur étoit ennivré pour la plus reſpectable des femmes ; quel eſt ſon tort envers moi, ou plutôt quel eſt mon tort envers elle ? Je n’ai pû la ſoupçonner, cependant je l’ai trompée… que dis-je, trompée !… j’ai cru la ſervir. Cette timidité ſi intéreſſante dans une perſonne bien née, peut, ſans paſſer les bornes de la décence, ſe familiariſer avec les tendres empreſſemens d’un époux… Je ne faiſois conſiſter mon bonheur qu’à lui plaire… Sans doute un autre m’a prévenu… Et moi, homme injuſte, j’aurois pu tyranniſer ſon cœur & ſon penchant, pour m’en faire haïr davantage, & pour jouir ſeulement du cruel pouvoir que l’Hymen m’a donné ſur elle ! Ce nœud fait-il le bonheur de la Societé ? J’en doute… Je ſuis homme juſte & ſenſible ; je n’ai pû contraindre un être qui m’a pû donner ſa main, mais qui n’a pû me répondre de ſon cœur. Ainſi, je l’ai laiſſé libre. Loin de gêner ma femme je me ſuis éloigné. J’ai cherché dans la ſolitude & dans les livres le moyen de l’effacer de mon cœur. Cette vie paiſible ne convenait pas à ma ſenſibilité : mon ame trop active ne pouvoit être alimentée que par un autre penchant… Et vous, adorable perſonne, qui m’avez tirez de l’état d’inertie où je ſerois ſans doute tombé, quand jouirai je du plaiſir de vous voir ?… Si l’on ſavait dans le monde l’intrigue