Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/126

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Jacques, ayant au bras sa compagne de rencontre, avait suivi le couloir des loges, examinant curieusement la femme masquée et encapuchonnée qui l’entraînait d’un pas rapide, comme si elle craignait d’être reconnue et interpellée. Arrivée devant la porte d’une avant-scène, elle frappa deux coups secs contre le bois. Une autre femme ouvrit et, s’effaçant, avec un silencieux sourire, les laissa entrer. Puis discrètement elle sortit et ferma la porte.

Dans le salon qui précédait la loge, Jacques et le domino se trouvèrent en présence. Le jeune homme s’approcha de sa compagne, et lui passant le bras autour de la taille, il essaya de faire tomber son capuchon et de déranger son masque. Mais elle cambra son buste avec souplesse, appuya à la poitrine de Jacques les rondeurs de sa gorge, puis, tournant sur le talon de ses petits souliers, avec un bruit de soie froissée, elle s’échappa, et le nargua, debout à trois pas de lui, les yeux luisants par les trous du satin et les dents étincelantes sous la barbe de dentelle.

Elle était si tentante, ainsi, qu’il s’élança, la saisit de nouveau, et, approchant de ses lèvres la bouche provocante qui se plissait voluptueusement, il lui donna un baiser qu’elle lui rendit.

Il voulut la retenir, mais elle glissa, une seconde fois, hors de son étreinte, et s’avançant vers le devant de la loge, elle dit, d’une voix toujours déguisée, et en le menaçant du doigt :

— Soyez sage, ou je vous renvoie à vos amis.

— Comment voulez-vous qu’on soit sage auprès de vous ? s’écria-t-il, en souriant. Demandez-moi des choses faisables, mais non des choses impossibles !

— Il faudra cependant que vous m’obéissiez, ou je m’en vais, et nous ne nous reverrons plus.