Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/129

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Elle ne bougea pas, lui donnant le droit de faire toutes les suppositions les plus romanesques.

Il sourit, et avec un accent passionné :

— Soit ! Je vous aimerai inconnue, masquée, mystérieuse. Ce que j’aimerai en vous, ce ne sera pas une femme, mais la femme. Je ne saurai pas qui tous êtes, mais je vous tiendrai sur mon cour. Vos lèvres n’auront pas murmuré votre nom, mais je baiserai vos lèvres. Vos yeux ne trahiront pas, pour moi, le secret de votre pensée, mais ils verseront des larmes de tendresse. Et, dans mes bras, étreinte follement, malgré vous-même, la possession sera complète.

Il la serrait contre lui, en parlant ainsi, et leur souffle se confondait. Une senteur troublante, faite des effluves de la femme, du parfum des vêtements, enveloppait Jacques, l’enivrait. Ses mains hardies enlacèrent une taille frémissante. L’inconnue, se tordant comme au milieu d’un brasier, renversa sa tête sur l’épaule du jeune homme, sa bouche se posa sur son cou, qu’elle mordit avec un cri étouffé. Elle s’abandonnait, les yeux sans regards, les lèvres pâlissantes, quand, froissé par l’ardeur de l’étreinte, son capuchon tomba en arrière, pendant que son masque entraîné découvrait son visage.

Jacques, en un instant, fut debout, fit un pas en arrière, et s’écria avec stupeur :

— Clémence Villa !

À son nom prononcé, la comédienne se retrouva lucide. Elle regarda son galant qui, immobile et pâle, la dévorait des yeux ; elle rejeta d’un geste son domino en arrière, et, se montrant dans tout l’éclat de sa radieuse beauté :

— Vous vouliez savoir qui je suis, dit-elle d’une voix sourde, maintenant vous le savez.

Il baissa la tête, et, lentement :