Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/128

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Elle baissa affirmativement la tête.

— Même de moi ?

Elle fit encore oui. Mais sa main moite eut une pression plus vive, et sa paume frémissante s’attacha à celle de Jacques. Une telle ardeur se dégageait de tout son corps, parfumé, souple et voluptueux, que le jeune homme se rapprocha, et, presque à ses pieds, la prit dans ses bras. Elle ne le repoussa pas. Et le souffle court, le coeur bondissant, affolée et pourtant sur ses gardes, elle resta près de lui, livrant sa taille, ses épaules, mais défendant son visage dont elle ne voulait pas laisser violer le secret.

— Où vous ai-je déjà vue ? demanda le jeune homme. Est-ce ici, est-ce à Paris ?

Elle ne répondit pas. Il reprit :

— Vous habitez Nice.

Elle demeura muette. Il dit :

— Je vous ai cependant rencontrée. Vous ai-je fait la cour ?

Un sourire passa sur les lèvres de la femme, elle éloigna un peu Jacques, le regarda avec complaisance, et à mi-voix :

— Vous êtes bien curieux !

— Comment ne pas l’être ? Tout me dit que je vous adorerai, et vous vous étonnez que je veuille savoir qui vous êtes ! Je le saurai demain, ou après-demain, ou la semaine prochaine, pourquoi ne pas me contenter ce soir, à l’instant même, en me permettant de voir votre visage ? Voulez-vous donc que je vous aime sans vous connaître ?

Elle murmura :

— Peut-être.

— Courez-vous donc un danger en venant à moi ? Craignez-vous qu’un jaloux vous surprenne ? Ou bien vous défiez-vous de ma discrétion ?