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Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/137

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santé, et quand elle se trouvait en présence de son frère et de sa mère, elle s’efforçait de secouer sa mélancolie. Mais, aussitôt qu’elle était seule, elle retombait dans sa tristesse.

En ce moment, livrée à elle-même, elle se promenait à pas lassés dans le jardin, et, au milieu de cette verdure éclatante, parmi ces fleurs, sous ce ciel bleu, sa silhouette faisait une tache noire. Jacques descendit. Sa mère était au salon. Il alla l’embrasser. Elle le regarda attentivement, et, le voyant si brillant de jeunesse, elle eut un sourire.

— Tu es rentré bien tard ? dit-elle. Ce n’est guère prudent de passer la nuit, quand on finit à peine sa convalescence.

— Il y avait si longtemps que je n’étais sortit.

— Au moins t’es-tu amusé ?

— Beaucoup.

— N’abuse pas, mon enfant, ne sois pas ingrat envers la Providence qui t’a rendu la santé. Ne me donne plus de sujet d’inquiétude. Je suis assez tourmentée par l’état de ta soeur.

— Est-ce qu’elle est plus souffrante ?

— Non. D’ailleurs, comment le savoir ? Elle ne se plaint pas, elle tâche de dissimuler son abattement. Mais elle ne peut pas me tromper, et je la vois, de jour en jour, plus accablée… Oh ! si Davidoff, qui t’a si bien soigné, était encore près de nous !…

À ces mots, le jeune homme pâlit. Il lui sembla qu’il voyait apparaître le visage sardonique du médecin russe. Que pourrait Davidoff ? Était-ce un second miracle qu’on allait lui demander ? Jacques savait bien que la science médicale était impuissante. Il avait constaté l’inanité des moyens employés pour le guérir. Le secours sauveur qu’il avait reçu lui venait d’un monde mystérieux. Mais n’était-ce pas au prix d’un terrible sacrifice que ce secours avait été