Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/194

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devant l’enclos de la ferme, un gamin, qui servait habituellement d’enfant de choeur au brave curé de Torrevecchio, s’élança à travers la foule, et, courant au vénérable prêtre, lui tendit une enveloppe bleue, qui avait été déposée au presbytère. Pour franchir la distance de Torrevecchio à San-Pellegrino, le petit, avec ses jambes montagnardes, n’avait mis qu’une heure. Il arrivait haletant, la sueur au visage, couvert de poussière. Le curé lut l’adresse et, aussitôt, se tournant vers Pierre :

— Tenez, mon cher enfant, dit-il affectueusement. C’est pour vous !

Un cercle déjà s’était formé autour du jeune homme, qui, le front soucieux, les lèvres soudainement crispées, tenait, entre ses doigts, la dépêche sans la déplier :

— Qu’y a-t-il donc ? demanda Agostino inquiet.

— C’est ce papier bleu, dit le gamin, qui a été apporté, tout à l’heure, de Bastia par un piéton. Il s’était déplacé exprès, vu que la chose, paraît-il, était pressée…. Alors Maddalena, la servante de M. le curé, m’a dit : Cours tout d’un trait, ne t’arrête pas avant d’avoir parlé à monsieur…. Il y a quelque grave affaire…. Car il y a trois ans qu’il n’est venu un pareil papier à Torrevecchio !… Alors j’ai coupé au plus court, et me voilà.

En parlant ainsi, il essuyait sa figure ruisselante avec le revers de sa manche, riant de ses belles dents blanches, ravi d’avoir si bien rempli sa mission.

— Tu vas boire un verre de Tollano et manger un morceau avec nous, Jacopo, dit Agostino. Il poussa l’enfant vers son beau-père et ses parents, et tout plein de l’anxiété que trahissait le visage de Pierre :

— Qu’est-ce donc ? répéta-t-il.

Pierre lentement déchira t’enveloppe, déplia le télégramme