Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/20

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admettre l’influence de la suggestion mentale sur les sujets en proie au sommeil hypnotique, n’est-ce pas être bien près de croire à un principe supérieur, qui dirige et par conséquent domine la matière ?…

— Vous philosophez, mon cher, interrompit le prince, et vous ne répondez pas.

— Oh ! vous, Patrizzi, dit en riant Pierre Laurier, vous croyez à saint Janvier, et, dans les cas graves, vous invoquez la Madone ; vous portez des cornes de corail contre la jettature et vous palissez quand vous voyez un couteau et une fourchette en croix sur la nappe. Vous êtes donc une recrue toute préparée pour les diableries de Davidoff… Mais Jacques et moi, nous sommes plus coriaces et il nous faudrait quelques preuves pour nous convaincre.

— Ce serait pourtant bon de croire à une influence souveraine, qui pourrait rendre la vie, murmura le malade. Oh ! s’attacher, même follement, à une espérance suprême ! Ne serait-ce pas le salut ? La confiance n’est-elle pas pour moitié dans la guérison ?

— Parbleu ! Voilà les paroles les plus raisonnables qui aient été prononcées depuis deux heures ! s’écria Pierre Laurier… Au diable vos sorciers, vos Swedenborgistes, vos apparitions lunaires et vos âmes, qui passent de corps en corps, comme le furet du Bois-Joli. Donner à un malade la certitude qu’il guérira, c’est presque infailliblement amener sa guérison, voilà la vérité !… Ainsi, prenez mon ami Jacques de Vignes ici présent, et qu’on a envoyé dans le Midi parce qu’il a attrapé un rhume ; faites-lui comprendre que son mal est chimérique, qu’il n’a point les poumons attaqués, qu’il a le plus grand tort de s’écouter, enfin démontrez-lui qu’il n’a qu’un bobo sans importance, et, supprimant la cause, vous supprimez l’effet. Ledit Jacques de Vignes