Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/203

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L’horizon fuyait, dans le roulement des roues, le train traversait les monts, les fleuves, et la pensée de Pierre s’engourdissait peu à peu. Il retomba dans une rêverie inquiète, se demandant, avec une persistance vaine, ce qui avait contraint Davidoff à le rappeler si brusquement. Et une agitation fébrile le reprit aux environs de Paris. Il tira sa montre plus de vingt fois, entre Melun et la grande ville. En passant les fortifications, il se mit debout, s’apprêtant déjà pour la descente. Enfin le train sifflant ralentit sa marche, fit tinter les plaques tournantes, et, au milieu des hommes de peine guettant les voyageurs, s’arrêta au terme du parcours.

Pierre, debout sur le marchepied, sauta sur le quai et fut saisi par deux bras qui le serrèrent fortement. Il leva les yeux, reconnut Davidoff, poussa un cri de joie, et, saisissant à son tour les mains du fidèle ami, il l’entraîna à l’écart :

— Eh bien ? cria-t-il, résumant toutes ses curiosités dans cette interrogation.

— Calmez-vous, dit le Russe qui comprit l’angoisse de Laurier… Il n’y a point de péril urgent pour Juliette.

Pierre poussa un soupir profond comme si on lui débarrassait le coeur d’un fardeau écrasant.

— Et Jacques ? demanda-t-il.

— Ah ! Jacques ! répondit Davidoff. C’est lui surtout qui m’inquiète… Mais ne restons pas là, on nous regarde.

Il prit le bras du peintre, et, au milieu de la foule qui s’écoulait vers la sortie, il l’entraîna.

— Quel bagage avez-vous ?

— Cette valise avec moi, et une caisse dans le fourgon.

— Venez, nous ferons prendre la caisse par les gens de l’hôtel… Car vous m’accompagnez… Je ne vous quitte pas… Au lieu de vous attendre, ainsi que je vous le disais dans ma dépêche, j’ai préféré venir au-devant de vous… J’ai craint quelque