Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/208

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Vous n’y trouverez que l’amer regret des fautes commises et l’ardent désir de les réparer ! Si je ne m’étais pas senti digne d’une affection pure, capable d’y répondre par une tendresse inaltérable, vous ne m’auriez jamais revu. Ne redoutez donc rien de moi, Davidoff. Le Pierre Laurier que vous avez connu est mort, par une nuit d’orage, et l’homme que vous avez devant vous, s’il a le même visage, heureusement n’a plus le même coeur….

— À la bonne heure ! dit Davidoff gaiement. Ah ! j’ai un lourd poids de moins sur la conscience. Si je n’avais pas pu compter absolument sur vous, je ne sais comment je me serais tiré de l’oeuvre que j’ai entreprise. Tout est difficulté, tout est souci. Il va falloir que vous affrontiez Clémence….

— Si c’est absolument nécessaire, je m’y résoudrai, mais cela me coûtera beaucoup !…

— Sans doute ! Cependant, à coup sûr, pas tant qu’autrefois, répliqua le Russe, avec un sourire. Mais nous devons arracher Jacques de ses griffes. Et il ne faudra pas moins que votre intervention pour que nous y réussissions…. Laissons cette question, c’est l’avenir. Occupons-nous du présent, parlons de Mme de Vignes.

Le front de Pierre s’éclaira. Au même moment, on apportait le dîner. Les deux amis s’assirent devant la table, et, pendant une heure, ils causèrent à coeur ouvert. Pierre racontant son séjour à Torrevecchio et le docteur expliquant au peintre tout ce qui s’était passé pendant son absence, ils purent, de la sorte, acquérir la certitude, Davidoff, que Laurier était, ainsi qu’il l’avait affirmé, radicalement guéri de sa dangereuse passion, et Laurier, que Davidoff, en le rappelant à la hâte, avait agi avec autant de décision que de sagesse. Vers neuf heures ils descendirent et se rendirent chez Mme de Vignes. Sur le boulevard, dans la douceur d’une belle nuit d’