Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/212

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ainsi qu’un voile qu’on arrache, et je l’ai revu. Il venait vers moi, le visage souriant ; il a fait un geste de la main, comme pour dire : Ayez patience, me voilà… et je me suis réveillée, angoissée et brisée…. Mais j’ai confiance…. Il est tout près de nous…. À Paris, peut-être ?…

Davidoff, très intrigué, demanda alors à la jeune fille :

— Pouvez-vous me décrire l’église dont vous me parlez ?

— Oui, dit Mme de Vignes. Elle était située sur la place d’un village. Le portail était en grès rouge, surmonté d’un auvent en briques…. L’intérieur, blanchi à la chaux et très pauvre…. Quelques bancs de bois, une chaire sans un ornement, un autel d’une grande simplicité….

— Et le tableau auquel travaillait Pierre, l’avez-vous regardé, vous le rappelez-vous ?…

— Oui. Il y avait un tombeau ouvert…. Et le mort se dressait vivant…. J’y ai vu un présage.

Davidoff hocha la tête, très saisi par cette extraordinaire révélation. Évidemment, c’était lui qui, par la pensée, avait fait voir à Mme de Vignes l’église de Torrevecchio, et la Résurrection…. Mais le bruit des flots, frappant l’oreille de la jeune fille, à l’heure même où Pierre était en mer ?… Comment l’expliquer ?

Il resta silencieux, et, quoi que Juliette fit, il ne donna pas d’éclaircissements nouveaux. Mais son attitude, ses paroles, sa physionomie, tout annonçait un événement prochain. Le docteur laissa la jeune fille dans une agitation, qui lui parut favorable, et partit. Le soir, vers neuf heures, arrivé à la porte de Mme de Vignes, en compagnie de celui qui était si ardemment désiré, il eut un violent battement de coeur. Il serra fortement le bras de son ami, et lui montrant la dernière fenêtre de l’entresol :

— Restez dans la rue, dit-il, les yeux fixés sur cette croisée.