Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/29

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— Moins que si tu avais été avec nous.

— J’ai horreur de Patrizzi.

— Pourquoi ?

— Je sens qu’il me déteste.

— Non, il ne te déteste pas, mais il m’aime beaucoup.

— Eh bien ? Ne peut-il t’aimer sans me haïr ?

— Il t’aimerait si tu ne me rendais pas malheureux.

— Ah ! l’éternelle chanson !

La jeune femme fit claquer ses doigts, jeta son livre à la volée, à l’autre bout du salon, et, d’un bond hargneux, se retourna sur son canapé, la figure du côté de la muraille.

— Allons, Clémence, la paix, fit le peintre ; parlons d’autre chose…

Mais la comédienne, sans bouger, et le nez sur les coussins, reprit d’une voix âpre :

— Tu sais, ton Patrizzi, il m’a pourchassée, comme les autres, et c’est parce que je n’ai pas voulu de lui qu’il me garde rancune.

La figure de Laurier se crispa, et avec ironie :

— Pourquoi as-tu fait, pour lui, une si blessante exception ?

D’un seul élan, Clémence Villa fut sur ses pieds, et, rouge de colère, les yeux étincelants sous ses sourcils froncés, de sa main agitée d’un tremblement, montrant la porte :

— Mon petit, si tu viens ici pour me dire des insolences, tu peux filer !…

— Oh ! je sais que tu ne tiens guère à moi, tu ne me l’as jamais laissé ignorer, dit le peintre, avec un geste de découragement.

— Alors pourquoi restes-tu ?… Si tu étais aimable encore, je comprendrais ton entêtement. Mais tu passes ton temps à me maudire chez tes amis, ou à m’insulter chez moi. Tout ça, parce