Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/49

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d’un dessin exquis, et, suivant son habitude, il arriva à l’heure du dîner. Ce soir-là, Jacques seul se trouvait au salon. Les deux amis se serrèrent la main, et Laurier ayant demandé où était Juliette :

— Ma mère l’habille, répondit Jacques. C’est une importante affaire : sa première robe longue !… On a voulu nous en faire les honneurs. Aussi, tu penses, quel souci ! Il a fallu que la coiffure fut également changée… Nous ne pouvions plus, avec notre costume nouveau, porter les cheveux épars sur le dos… Le chignon s’imposait !

Il riait encore que la porte s’ouvrit et qu’au lieu de l’enfant à laquelle le regard de Laurier était habitué, une jeune fille, un peu timide, un peu gauche, toute changée, mais cependant charmante, entra dans le salon. Elle ne courut pas vers le peintre, comme à l’ordinaire, avec une garçonnière curiosité. Elle lui tendit gentiment la main, et s’arrêta, interdite, comme gênée devant les deux jeunes gens. Pierre, souriant, la regardait. Il dit :

— Vous êtes très à votre avantage ainsi, Juliette… S’il m’était permis de risquer une légère critique, je désapprouverais les petites boucles sur le front… Vous avez une jolie coupe de visage et les cheveux bien plantés… Relevez-les donc franchement… C’est plus jeune, et je suis sûr que cela vous ira très bien !

Puis, tirant de sa poche le cadeau préparé :

— Vous voyez ! C’est un objet utile ! Moi aussi, je vous traite en grande personne, aujourd’hui.

— Oh ! que c’est joli ! s’écria l’enfant, les yeux brillants de joie. Regarde donc, Jacques !

— C’est un objet d’art, ma fille… Ce peintre a fait des folies ! Si tu l’embrassais, au moins ?

C’était l’habitude. Il y avait des années que, ce jour-là, Pierre