Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/72

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pâle, comme près de s’effacer dans le néant. La grave communication que Davidoff avait à faire était, elle n’en pouvait douter, relative au peintre. De quelle nature était-elle ? Un frisson passa dans ses veines, elle eut froid, par cette admirable matinée ensoleillée. Elle vit le ciel bleu se voiler d’obscurité, la mer s’assombrir, et la verdure éternelle des pins se décolorer. Un glas sonna à ses oreilles. Et, en proie à sa funèbre hallucination, elle demeura immobile, avec la sensation que tout tournait autour d’elle.

La voix de sa mère, l’appelant, la rendit à elle-même. Ses paupières battirent, sa vue redevint nette, elle retrouva le ciel clair, la mer bleue, et les verdures luxuriantes. Rien n’était changé que son cour, cruellement serré, et son esprit, mortellement triste.

— Viens-tu, Juliette ? répéta Mme de Vignes. Je crois que ton frère a besoin d’être seul avec le docteur.

La jeune fille adressa au Russe un regard suppliant, comme s’il dépendait de lui que le malheur redouté fût ou ne fût pas, et, avec un grand soupir, elle entra dans la maison.

Les deux hommes s’étaient assis, sous le vitrage, auprès d’une colonne de fonte, le long de laquelle grimpaient des touffes d’héliotropes embaumés. Ils demeurèrent une seconde hésitants devant ta révélation à demander et à faire. Puis Jacques, d’une voix calme, avec son indifférence de malade qui ne pense qu’à lui-même :

— De quoi s’agit-il donc, mon cher ami ? demanda-t-il.

— D’une bien triste nouvelle, oh ! très triste ! que j’ai à vous communiquer. On est venu, ce matin même, me l’apprendre, et j’avoue que j’en suis encore tout bouleversé…. S’il n’était pas nécessaire que vous en soyez informé, j’aurais retardé ma pénible mission, mais vous êtes directement mêlé à l’événement.