Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/96

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le village… Nous avons une semaine de relâche, en attendant de nouvelles marchandises.

— Eh bien ! viens déjeuner avec moi, ensuite tu m’indiqueras une auberge.

— Ne veux-tu pas m’accompagner au pays ? dit Agostino d’une voix tremblante… Je m’étais promis de te faire embrasser par ma mère.

— J’irai chez toi, très volontiers, répondit Pierre en riant ; mais oublies-tu que j’ai promis au patron de lui repeindre son Saint-Laurent ?… Chose dite, chose faite !

— C’est juste, fit Agostino gaîment. Mais combien te faudra-t-il pour ton travail ?

— La matinée de demain.

— Ainsi demain soir tu seras disposé à m’accompagner ?

— Oui, certes.

— Alors je t’attendrai. J’irai tantôt retenir la carriole du père Anton, tu feras ainsi la route plus commodément.

— Eh bien, c’est convenu…

Ils gagnèrent l’auberge de Santa-Maria, où Agostino était avantageusement connu pour les excellents comestibles de contrebande qu’il apportait, tous les mois, de Grèce et d’Italie.

Installé dans une chambre, au premier étage, Pierre put, pour la première fois, depuis trois jours, se soustraire à la fascination de sa merveilleuse aventure, se mettre en face de lui-même, et réfléchir à ce qu’il devait faire. D’un côté, il sentait un dégoût profond à la pensée de rentrer en France ; de l’autre, il avait à coeur de ne point chagriner Agostino. Tout conspirait donc pour le retenir. Et puis, le charme de cette contrée admirable agissait sur lui. Tout ce qui l’entourait était fait pour le séduire : la nature sauvage et attrayante à la fois, les moeurs originales des habitants, enfin le mystère