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UN SAUVETAGE

Suzanne Provins était une belle brune solidement bâtie, la tête haute, le regard net, et que l’on sentait disposée à ne rien dédaigner de ce que la vie pouvait lui offrir de bon. Malheureusement, elle n’avait pas de fortune. Ses parents s’étaient souvent privés du nécessaire pour lui faire donner une éducation bien au-dessus de leur condition : les pensionnats les plus chers, les maîtres les plus réputés. Suzanne y avait gagné par surplus quelques relations agréables et même quelques amitiés utiles.

Maintenant qu’elle avait vingt ans, ses parents continuaient à se saigner aux quatre veines pour la produire dans le monde, les bals, les théâtres, les plages à la mode, dans l’espoir du riche mariage. Ce n’était pas impossible à cause de la beauté vraiment impressionnante de la jeune fille, mais très problématique à cause de ce funeste « sans dot ». Enfin, c’était toujours une chance à courir.

En attendant, Suzanne renvoyait la balle d’une raquette énergique, avec un mouvement qui développait son beau bras rond hors d’une manche courte et plaquait sa jupe contre ses jambes nerveuses.

C’était précisément dans un riche pensionnat qu’elle avait connu Germaine Montfort. Les deux jeunes filles s’étaient liées d’une amitié qui ne s’était pas démentie. Germaine savait que Suzanne n’avait pas de fortune, mais cela ne l’avait pas éloignée d’elle ; au contraire, cette circonstance l’avait attachée davantage à son amie, qu’elle comblait de prévenances et d’invitations, car elle-même était fort riche. Son père, M. Gustave Montfort était sénateur et industriel.

Et c’est ainsi que Suzanne jouait au tennis avec Germaine sur cette plage de Guézennec, petite mais jolie, charmante avec sa crique de sable ferme encadrée de rochers énormes. Elle n’était pas encore très connue cette plage ; il y avait deux excellents hôtels, pourtant, des villas charmantes et un casino. C’était un lancement. Il n’y venait pas encore beaucoup de inonde : on était presque entre soi et c’était fort agréable.

La partie de tennis continuait.

Cependant, assis à l’ombre d’un parasol de coutil rayé, le baron Adhémar regardait.

Il regardait, c’est peu dire : il ne perdait pas un mouvement de ces demoiselles. Le monocle à l’œil, il les suivait dans leurs évolutions, et quand par hasard un mouvement