Page:Olympe Audouard Conference M Barbey-d'Aurévilly 1870.djvu/6

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n’a donc pas un homme d’imagination qui la conseille ! Ô sottise et vanité ! Elle avait une robe de velours noir à traîne et une torsade d’or, cette pauvre diablesse, qui veut faire la Canaille et qui manque son coup, par amour du chiffon ! La canaille en robe de velours, noir et en torsade d’or, quand on ne fait pas la canaille des salons, où il y en a une aussi… mais celle des tapis-francs, du ruisseau et de la barricade ! C’est pis qu’insensé, c’est imbécile !… et cela seul me ferait dire que le sens de l’artiste manque à Mme Bordas !

« Et ce n’est pourtant pas rien que cette femme quand on y réfléchit ! Rien, c’est la donzelle aux bras rouges, à la tête de verseuse de bière, aux yeux de plomb, que j’avais entendue chanter la veille, aux Menus-Plaisirs, sa chanson populacière d’une voix qui ne manquait pas d’étoffe, mais où la vie ne palpitait pas plus que dans la poitrine d’où cette voix sortait ! Mme Bordas n’est pas cette belle brute.

« Mme Bordas, avec tous ses accrochements, raccrochements et arrachements de geste, au milieu de toutes ces ignobilités qu’il faudrait racheter à force de force, à force d’inspiration vraie et non pas de grimaces, de recherches et de parti pris, Mme Bordas a en elle, quelque part, je ne sais quoi, — un atome, si vous voulez, une molécule, — mais un atome de feu, une molécule ignée, qui pourrait, si on savait souffler intelligemment dessus, devenir une grande flamme ! Mme Bordas a certainement en elle une monade d’énergie, un indiscutable ganglion de puissance intrinsèque, mais elle n’en tire que des contorsions qui sont la grimace de la force, des contorsions de folle échevelée et hagarde, criant aux barreaux de sa cage, au lieu