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Page:Olympe de Gouges - Le Mariage inattendu de Chérubin.djvu/10

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m’avoient engagé à la donner aux Variétés, ou à la faire imprimer, j’adoptai le dernier parti, &, depuis un an qu’elle eſt approuvée, je l’avois oublié parmi mes Manuſcrits ; mais aujourd’hui que je vois annoncer dans le Journal un Mariage de Cherubin, ma vivacité Languedocienne ſe réveille, & il ne me reſte plus que les regrets de m’être laiſſé prévenir, & la crainte d’un vol clandeſtin. Peut-être auſſi ſuis-je comme un poltron qui craint d’être aſſaſſiné, au ſeul aſpect d’une épée nue. Les hommes, ſur ce point, ſont très-chatouilleux ; & les femmes y entendent encore moins raiſon. Comme je n’ai rien de plus cher que mes productions, je me hâte de réclamer celle-ci, dans le cas qu’on me l’ait volée. La paſſion qui me domine pour créer de nouveaux ſujets, me fait oublier ceux qui les ont précédés ; l’activité de dix Secrétaires ne ſuffiroit pas à la fécondité de mon imagination. J’ai trente Pièces au moins ; je conviens qu’il y en a beaucoup plus de mauvaiſes que de bonnes ; mais je dois convenir auſſi que j’en ai dix qui ne ſont pas dépourvues du ſens commun. Cependant, malgré la richeſſe de mon porte-feuille & la nouveauté de mes plans, dans ce tems de misère, mes peines & mes travaux me donneront plus de tourment que de gloire. La Comédie Françoiſe m’a impitoyablement & injustement ôté les