bachiques. L’étranger est d’abord étonné et un peu scanda-Jisé
de la place que Je vin occupe dans la poésie persane.
Rien pourtant qui ressemble moins à nos vaudevires et à
nos chansons à boire. Les chansons à boire de l’Europe
ne4 sont que des chansons d’ivrogne ; celles de la Perse sont
un chant de · révolte contre le Coran, contre les bigots,
contre l’oppression de la nature et de la raison par la loi
religieuse. L’homme qui boit est pour le poète le symbole
de l’homme émancipé ; pour le mystique, le vin est plus
encore, c’est Je symbole de l’ivresse divine.
Après s’être arrêté longuemenl devant l’admirable Abou-Saïd, M. Darmesleter ajoute :
Pourtant, le panthéisme d’Abou-Saïd n’a pas la décision et la certitude des poètes qui viendront plus tard ; et c’est pour cela qu’il est si grand poète. La Science, comme on appelait alors l’intuition mystique, n’est pas pour lui, comme elle le sera pour ses successeurs, une doctrine arrêtée et fixée, une tradition qu’ils ont reçue de leurs maîtres, une matière à mettre en vers. Cette science, il la crée, il la nourrit de son sang et de ses larmes, avec les angoisses, les doutes, les contradictions de son cœur. Son grand imitateur, Omar Khâyyâm, l’algébriste poète, aura la force de la certitude implacable ; mais c’est une force qui, en poésie, est presque une faiblesse, car elle est mortelle à l’émotion. La souffrance humaine est l’écueil du panthéisme.
Et, après avoir cité ces strophes merveilleuses d’.llbou-Saïd :
« Mes fautes sont plus nombreuses que les gouttes de la pluie, et ma tête se penche sous la honte de mes fautes.