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de racines, d’herbages, ou de prés artificiels pour la nourriture des bestiaux ; plus on peut par le moyen de cette culture nourrir les bestiaux dans leurs étables, plus ils fournissent de fumier pour l’engrais des terres, plus les récoltes sont abondantes en grains et en fourrages et plus on peut multiplier les bestiaux. Les bois, les vignes, qui sont des objets importants, peuvent aussi occuper beaucoup de terres sans préjudicier à la culture des grains. On a prétendu qu’il fallait restreindre la culture des vignes pour étendre davantage la culture du blé : mais ce serait encore priver le royaume d’un produit considérable sans nécessité, et sans remédier aux empêchements qui s’opposent à la culture des terres. Le vigneron trouve apparemment plus d’avantage à cultiver des vignes ; ou bien il lui faut moins de richesses pour soutenir cette culture que pour préparer des terres à produire du blé. Chacun consulte ses facultés ; si on restreint par des lois des usages établis par des raisons invincibles, ces lois ne sont que de nouveaux obstacles qu’on oppose à l’agriculture : cette législation est d’autant plus déplacée à l’égard des vignes, que ce ne sont pas les terres qui manquent pour la culture du blé ; ce sont les moyens de les mettre en valeur.

En Angleterre, on réserve beaucoup de terres pour procurer de la nourriture aux bestiaux. Il y a une quantité prodigieuse de bestiaux dans cette île ; et le profit en est si considérable que le seul produit des laines est évalué à plus de cent soixante millions.

Il n’y a aucune branche de commerce qui puisse être comparée à cette seule partie du produit des bestiaux ; la traite des nègres, qui est l’objet capital du commerce extérieur de cette nation, ne monte qu’environ à soixante millions : ainsi la partie du cultivateur excède infiniment celle du négociant. La vente des grains forme le quart du commerce intérieur de l’Angleterre, et le produit des bestiaux est bien supérieur à celui des grains. Cette abondance est due aux richesses du cultivateur. En Angleterre, l’état de fermier est un état fort riche et fort estimé, un état singulièrement protégé par le gouvernement. Le cultivateur y fait valoir ses richesses à découvert, sans craindre que son gain attire sa ruine par des impositions arbitraires et indéterminées.

Plus les laboureurs sont riches, plus ils augmentent par leurs facultés le produit des terres et la puissance de la nation. Un fermier pauvre ne peut cultiver qu’au désavantage de l’État, parce