Page:Oncken - Œuvres économiques et philosophiques de F. Quesnay.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

larmes étaient défendues dans la sage Égypte, sitôt que les juges avaient déclaré un homme juste et reçu dans le sein des Dieux. La voix publique nous défend aujourd’hui d’en répandre ; une sorte de joie terminait la cérémonie de l’apothéose : l’antiquité eût placé notre maître au-dessus, bien au-dessus de Minos et de Rhadamante ; et le 4 juin, jour de sa naissance, sera un jour de fête pour la postérité.

Si mihi quæ quondam fuerat… si nunc foret illa juventa… Que n’ai-je le même feu, la même ardeur qu’autrefois il ne dédaigna pas d’inspirer et de conduire ! Que ne suis-je ce que je fus pour rendre un digne et juste hommage à celui qui voulut, par des soins assidus et paternels, me dévouer à quelque utilité ! Qu’il me serait doux de vous le montrer à la tête, non seulement de tous les philosophes, mais encore de tous les bienfaiteurs de l’humanité ; plus studieux, plus laborieux sans doute que Socrate, plus généreux encore, car Socrate ne donnait à ses disciples que ses discours, et notre maître nous enrichissait de ses propres écrits ; plus sage enfin, car Socrate se fit des ennemis : partout le mérite et la vérité en trouvent la semence, mais le parfait mérite leur cède en apparence et ne les opiniâtre pas ; il sent que toute contention est division et par conséquent maladie sociale.

Telles furent les idées et les mœurs de notre maître. On nous dira peut-être que ses disciples ne lui ressemblent guère ; c’est au futur à montrer quelle société nous aurons troublée, ou plutôt laquelle ne devra pas à notre maître l’hommage de son propre bonheur. Socrate, dit-on, fit descendre du ciel la morale, notre maître la fit germer sur la terre. La morale du ciel ne rassasie que les âmes privilégiées, celle du produit net procure la subsistance d’abord aux enfants des hommes, empêche qu’on ne la leur ravisse par violence et par fraude, énonce sa distribution, assure sa reproduction ; et, nous mettant à l’abri des gênes de la nature impérieuse,