Page:Oncken - Œuvres économiques et philosophiques de F. Quesnay.djvu/45

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exemple de la seule bonne conduite en ce genre, qui consiste à éluder et à amortir la persécution sans lui faire tête ni la fuir.[1]

  1. On ne sait généralement pas que le revirement qui, par la nomination de Turgot au ministère, a rendu dominant en France, pour quelque temps, le système économique de Quesnay, a été fatal au maître pour sa position personnelle à la cour. Seul, l’Éloge de Mirabeau fait une communication à ce sujet, et il en ressort que le premier médecin ordinaire a été contraint par un décret formel à prendre sa retraite et était ainsi tombé en pleine disgrâce. La cause en est-elle due à un fait qui se serait passé au lit de mort de Louis XV, ainsi que cela paraît être le cas, ou à une autre circonstance ? C’est ce que l’on ne saurait dire avec certitude. Toutefois, l’aversion profonde de Louis XVI pour toutes les personnes qui ont eu une part dans les menées des maîtresses de son grand-père, est trop connue pour que l’on puisse admettre, avec Mirabeau, qu’il a fallu une puissante intrigue pour amener la chute de Quesnay. Il faut supposer qu’il y a beaucoup de vrai dans l’expression du bailli de Mirabeau à son frère aîné, que Quesnay, existant par le plus grand de tous les abus, crie contre les abus". Bien que l’on doive rendre hommage à l’intégrité personnelle du médecin ordinaire de Versailles, et que l’on doive même considérer comme exemplaire dans son genre la fidélité inaltérable avec laquelle il est resté attaché à sa bienfaitrice, la marquise de Pompadour (voir ci-après des renseignements à ce sujet tirés des mémoires de Madame du Hausset et de Marmontel), il est néanmoins incontestable que la postérité ne lui fait pas grand honneur de sa liaison avec la maîtresse mal famée de Louis XV. On conçoit que les disciples de Quesnay aient cherché à cacher tant sa position vis-à-vis de la marquise de Pompadour que sa disgrâce finale. Si nous ne possédions pas les mémoires de Madame du Hausset, nous ne saurions à peu près rien à l’égard de cette position. Et quant à la mise à la retraite de Quesnay, nous ne trouvons rien à ce sujet dans toute la littérature physiocratique, outre l’indication ci-dessus. Cependant, le fait lui-même a été confirmé par une notice du 26 juillet 1774, publiée dans les „Göttinger Gelehrten Anzeigen“, et conçue dans les termes suivants : „Versailles, Nachdem seit verschiedenen Jahren die wichtige Bedienung eines ersten Leibarztes erledigt geblieben war, hat der neue König am 7. Mai (? la mort de Louis XV n’est survenue que le 10 mai) dieselbe mit dem berühmten Herrn Lieutaud wieder besetzt, dessen wichtige Werke wir verschiedentlich angezeigt haben. Herr Quesnay, welcher Leibarzt en survivance war, ist als veraltet in seiner Ruhe gelassen, und an seine Stelle Herr de la Sone, der Königin Leibarzt befördert worden.“ (Comparer, au sujet de la position officielle de Quesnay à la cour, la note 2, page 15.) Il est fort possible que cette mise à la retraite qui, suivant les paroles de Mirabeau, a profondément blessé celui qui en était l’objet, a aussi contribué à hâter sa mort, qui a eu lieu peu de mois après. Quoiqu’il en soit, il résulte de ce qui précède que le soir de la vie du créateur de la physiocratie n’a nullement été aussi serein qu’on pourrait être disposé à le croire en raison de la nomination de Turgot (19 juillet) à un fauteuil ministériel. A. O.