Page:Opuscules et fragments inédits de Leibniz, Couturat, 1903.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
préface a la science générale

Phil., VI, 11, a (3 p. in-folio.)[1]

Puisque ⟩ le bonheur consiste dans le contentement, et que le contentement durable depend de l’asseurance que nous avons de l’avenir, fondée sur la science que nous deuvons avoir de la nature de Dieu et de l’ame ; de la il s’ensuit, que la science est necessaire au vray bonheur.

Mais la science depend de la demonstration, et l’invention des demonstrations d’une certaine Methode, qui n’est pas connue de tout le monde. Car quoyque tout homme soit capable de juger d’une demonstration, puisqu’elle ne meriteroit pas ce nom, si tous ceux qui la considerent attentivement, ne s’en trouvoient convaincus et persuadés ; neantmoins tout homme n’est ⟨ pas ⟩ capable de trouver des demonstrations ⟨ de son chef ⟩ ny de les proposer nettement quand elles sont trouvées : ⟨ faute de loisir ou de methode ⟩.

La vraye Methode prise dans toute son etendüe est une chose à mon avis tout à fait inconnue jusqu’icy, et n’a pas esté practiquée que dans les mathematiques. Encor est elle fort imparfaite à l’égard des mathematiques mêmes, comme j’ay eu le bonheur de faire voir à quelques uns (: qui passent aujourdhuy pour estre des premiers mathematiciens du siecle :) par des preuves surprenantes. Et j’espere d’en donner des echantillons qui ne seront peut estre pas indignes de la posterité.

Cependant si la Methode des Mathematiciens n’a pas esté suffisante pour découvrir tout ce qu’on pouvoit souhaiter d’eux ; elle a esté au moins capable de les garantir des fautes ; et s’ils n’ont pas dit tout ce qu’ils deuvoient, ils n’ont rien dit aussi de ce qu’ils ne deuvoient pas dire.

Si ceux qui ont cultivé les autres sciences [les] avoient imitez ⟨ les mathematiciens ⟩ au moins en ce point nous serions fort heureux : et il y a long temps que nous aurions une Metaphysique asseurée, aussi bien que la morale qui en depend ; puisque la Metaphysique renferme la connoissance de Dieu et de l’ame, qui doit regler nostre vie.

Outre que nous aurions la science des mouvemens, qui est la clef de la physique et par consequent de la medecine. Il est vray que je croy que

  1. Ce morceau est une préface à la Science générale. On peut conjecturer qu’ill date de 1677, d’après un indice noté plus bas (p.154 note i). Cf. Phil. VI, 12, e.