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AU PAYS DE RENNES

avec cela doux comme une brebis. De plus, il avait un bon petit fait[1] au soleil, ce qui ne déplaisait pas au père et à la mère de Rose. Celle-ci ne disait ni oui, ni non, mais ne semblait point pressée de prendre un maître.

Pierre, cependant, ne désespérait pas de se faire aimer. « Puisqu’on me laisse revenir, pensait-il, et qu’on renvoie les autres, toute chance de succès n’est pas perdue. » Le malheureux était loin de se douter de tout ce que lui réservait la Providence, pour l’éprouver, sans nul doute !

Il y avait alors, à Pont-Péan, un grand vaurien, appelé Jean Jumel, qui était contre-maître à la mine et qui gagnait de bon argent. C’était un cadet muscadin, bien façonné et point innocent[2]. Il savait tourner un compliment, chanter des chansons et en inventer même au besoin. C’était en un mot le béguin[3], la coqueluche du canton.

Ce mauvais sujet passait les soirées et presque les nuits entières dans un cabaret mal famé, situé au haut de la côte de Bout-de-lande, où tous les garnements se donnaient rendez-vous. Ce bouge affreux était tenu par un vieillard du nom de Jérôme.

Certains bruits couraient que de riches colporteurs entrés pour passer la nuit dans cette auberge, n’en étaient jamais ressortis. Ce qui le fait bien supposer, c’est que l’on a trouvé, en défrichant la

  1. Petite fortune.
  2. Innocent est pris ici dans le sens d’imbécile.
  3. Béguin et coqueluche sont souvent employés pour caprice.