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AU PAYS DE RENNES

racontais son histoire ; mais c’est celle de la Rose et non la sienne qui nous occupe présentement.

Donc pour en revenir à Jean Jumel, ne s’avisa-t-il pas de dire à ses camarades de débauche qu’il avait envie d’épouser la belle Landelle ! Les autres se moquèrent de lui, mais, huit jours après, ils furent bien penauds, quand ils apprirent que les accordailles avaient lieu.

Voici ce qui était arrivé : le pas grand’chose s’était rendu à la ferme des Noyers, beau comme un soleil. Il avait mis, l’astucieux serpent, son pantalon de futaine et son touron de castorine, qui faisaient valoir ses avantages physiques, et, dans quelques heures, avec son air guilleret, il entra plus avant dans le cœur de l’innocente que le pauvre malheureux Pierre depuis qu’il y venait.

Rose n’écouta ni les avis, ni les conseils de personne, pas même les remontrances des siens, qui voyaient dans l’avenir de gros nuages noirs pour leur enfant. Elle était ensorcelée par ce luron, qui lui promettait monts et merveilles, c’est-à-dire plus de beurre que de pain, et qui l’endormait par ses paroles attifées et ses chansons ramageuses. Il fit tant et si bien, que Pierre fut prié de rester chez lui, et qu’on tua un cochon gras pour célébrer les fiançailles, où tous les fermiers des environs furent invités. Les personnes raisonnables et sensées la plaignaient entre elles, parce qu’elle était aimée ; mais les jeunes filles enviaient son sort.

Pierre Sauvage se retira sans plaintes et sans murmures. Il