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sans remarquer les pâtres qui faisaient cercle autour de lui. Quand il les aperçut, il eut honte du sacrilège qu’il venait de commettre et se sauva comme un voleur, accompagné des rires et des moqueries des enfants qui le rappelaient pour lui montrer un crapaud — le gardien du trésor sans doute — qu’ils avaient trouvé sous le menhir.

De nombreuses anecdotes sur le château de Laillé, et les guerres de la chouannerie, se sont perpétuées — avec plus ou moins d’exagération — dans l’esprit des habitants de Laillé et d’Orgères, et font encore, à l’heure actuelle, l’objet des récits des longues veillées d’hiver.

Ainsi l’on raconte que le seigneur de Laillé acheta la chaux dont il avait besoin pour la construction du château à des chaufourniers des villages de Chartres et de la Chaussairie. Ces marchands amenaient leur marchandise à dos de cheval et, pour se faire payer, passaient au contrôle, c’est-à-dire devant un surveillant chargé de mesurer la chaux et de donner le bon à payer. L’un de ces chaufourniers, peu scrupuleux, paraît-il, au lieu d’entrer tout droit au chantier pour y déposer la charge de sa bête, prenait un chemin détourné et s’en allait, tantôt par le bois de Saint-Jean, tantôt par le bourg, rejoindre la voie qui conduisait de Chartres au château. Là, il prenait une blouse et une veste de rechange, de façon à se déguiser complètement, et se présentait de nouveau au contrôle où on lui donnait un second laisser-passer. De cette façon il vendait deux fois sa marchandise.

La manœuvre réussit pendant quelque temps, mais à la fin sa ruse fut découverte. Arrêté et jugé séance tenante, il fut condamné à être pendu haut et court à l’un des beaux arbres que l’on admire dans les avenues du château.

Heureusement pour le malheureux, la marquise fut informée de ce qui se passait. Elle ordonna qu’on lui infligeât seulement le supplice de la hart, puis le fit relâcher en lui interdisant à jamais l’entrée de la paroisse de Laillé.

À l’époque de la Révolution le seigneur de Laillé se fit le champion de la royauté et défendit, les armes à la main, les privilèges qu’on voulait abolir.

Il était d’une bravoure à toute épreuve et tellement redouté que, bien que le château et les terres de Laillé fussent mis