Page:Orain - Curiosités de l’Ille-et-Vilaine.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
− 7 −

en vente comme biens nationaux, personne n’osa en faire l’acquisition.

Le seigneur de Laillé établit son quartier général au château même de Laillé et devint, à partir de ce moment, l’adversaire terrible des soldats de la République.

Il était admirablement secondé par deux lieutenants dont on a conservé le souvenir et les noms :

L’un d’eux, appelé Manet, était un gars déterminé et prêt à tout.

L’autre se nommait Théaudière, dit Vive la joie, qui savait mener de front la guerre et l’amour.

Manet, par une nuit sombre, put à lui seul, en faisant supposer qu’il était à la tête d’une troupe nombreuse, dévaliser le courrier de la République, porteur de grandes valeurs et escorté d’une douzaine de hussards. Le courrier et les soldats eurent une peur atroce, tellement Manet joua bien son rôle.

Les chouans se tenaient ordinairement en embuscade, sur le bord de la route de Rennes, sous un vieux chêne situé entre la Renardière et Bel-Air, d’où ils fusillaient les voyageurs.

Une parente de l’auteur de ces lignes passant en ces lieux à cheval, en croupe derrière son mari, eut son manteau traversé d’une balle.

Manet fut tué dans le fameux combat qui eut lieu à la Touche-Tison, près de la mare à la fiancée, sur la route de Rennes à Nantes. Il reçut un coup de feu en pleine poitrine, se traîna néanmoins à trois cents mètres de là, dans un fossé, où il fut rejoint et achevé par les bleus.

Théaudière, lui, s’était fait aimer de la meunière du moulin à vent de trompe souris, ou d’un autre moulin situé sur la lande de Teslé. On n’est pas complètement d’accord sur ce point ; mais toujours est-il que cette meunière rendait d’incontestables services aux chouans de Laillé car, selon que les ailes de son moulin étaient en croix ou en forme d’X les blancs savaient que les bleus étaient plus ou moins éloignés, et que les chemins des alentours offraient peu ou prou de sécurité.

Les meuniers courant la pochée, c’est-à-dire toujours par monts et par vaux, allant à dos de cheval de village en village, de hameau en hameau, d’auberge en auberge pour prendre du grain ou porter de la farine, étaient plus à même que qui que ce soit de donner des renseignements sur les événements et sur la présence ou l’absence, dans le pays, des troupes régulières.